green M&A rivals engine of change Cumulative Abnormal Return (CAR)

This study analyses the impact of green mergers and acquisitions (M&A) on rivals in the U.S. market. The findings show that green M&A strengthen the competitive position of acquirers through the integration of clean technologies, while creating a disadvantage for non-green rivals. Additionally, green M&A send a positive signal to the market, encouraging sector-wide adoption of sustainable practices. This highlights the growing importance of green technologies in shaping competitive dynamics and long-term business strategies.

Introduction et motivations

Face à l’urgence climatique et aux enjeux environnementaux, les entreprises du monde entier intègrent de plus en plus des stratégies axées sur la durabilité. Les fusions-acquisitions vertes (F&A vertes), se positionnent comme un levier stratégique majeur pour les entreprises désireuses de se verdir. Dans cette étude, nous adoptons la définition proposée par Salvi et al. (2018), qui placent au cœur des F&A vertes l’acquisition de technologies propres. Celles-ci, comme les décrivent Bjornali et Ellingsen (2014), incluent des produits ou services capables de générer de la valeur tout en minimisant l’usage des ressources non renouvelables et en produisant moins de déchets, favorisant ainsi le recours à des solutions et procédés plus respectueux de l’environnement.

Jusqu'à présent, les études se sont principalement concentrées sur la réaction des acquéreurs aux annonces de F&A vertes. La majorité de ces travaux définissent les F&A vertes à partir d’indicateurs de durabilité, comme les scores ESG, plutôt qu’en se basant sur le capital technologique acquis. Ces recherches ont généralement montré une réaction positive des marchés à l'égard des acquéreurs pour plusieurs raisons : des gains réputationnels (Li et al., 2020), une amélioration des scores de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) (Aktas et al., 2011), une augmentation du rendement des actifs (Salvi et al., 2018), des gains en innovation (Wei et al., 2023) ou encore une réduction des coûts (Lu et al., 2021 ; Ghoul et al., 2011). Cependant, très peu d’attention a été portée aux dynamiques de marché, en particulier à l’impact des F&A vertes sur les rivaux sectoriels.

Dans une étude, Gaur et al. (2013) ont exploré la réaction des rivaux des acquéreurs dans le cadre de fusions-acquisitions non-vertes sur le marché chinois. Ils ont observé que les rivaux bénéficient souvent de l'annonce de ces fusions, en raison d’un potentiel gain de croissance du secteur faisant suite à la F&A. Toutefois, dans le cas des F&A vertes, où des technologies stratégiques sont acquises, les dynamiques de marché pourraient être fondamentalement différentes.

Cette lacune dans la littérature constitue le point de départ de la question de recherche qui s’articule de la manière suivante : « Quel est l’impact des fusions-acquisitions (F&A) vertes sur les rivaux sectoriels des acquéreurs sur le marché américain ? ». Plus précisément, nous nous intéressons aux réactions anormales sur les marchés financiers, en menant une analyse comparative des réactions entre F&A vertes et non-vertes. L’objectif est de déterminer dans quelle mesure les F&A vertes sont perçues comme avantageuses ou désavantageuses pour le secteur, et d'examiner si l'intégration de technologies environnementales dans les stratégies opérationnelles est valorisée par les investisseurs.

Les résultats révèlent non seulement un désavantage compétitif pour les rivaux des acquéreurs à la suite d’une F&A verte, mais également l'existence d'un effet de signal de verdissement sur le secteur. Cet effet atténue l'impact direct négatif des F&A vertes sur les rivaux lorsque les attentes concernant l’intégration des technologies propres avec les activités sectorielles de l’acquéreur sont perçues positivement.

Échantillonnage et méthodologie

L'échantillon utilisé dans cette étude est constitué de 66 F&A, dont 33 fusions qualifiées de vertes et 33 de non-vertes, sélectionnées pour la période de 2007 à 2022. Les transactions (F&A) proviennent de la base de données Thomson Reuters Eikon, tandis que les données financières et comptables des rivaux et des acquéreurs sont extraites de Compustat et CRSP. La procédure d’échantillonnage repose sur une sélection rigoureuse des F&A américaines afin de s'assurer que les transactions concernent des entreprises ayant une activité boursière publique et suffisamment liquide.

Les rivaux des acquéreurs sont identifiés en utilisant les codes à 4 chiffres de classification industrielle standard (4-digit SIC codes). Cette identification permet la mise en exergue de 1264 réactions de rivaux publics à l’annonce des fusions-acquisitions.

La méthodologie d’étude suivante a été appliquée chronologiquement :

1/ Définition des F&A vertes. Les F&A vertes sont distinguées à l’aide d’une approche textuelle, en filtrant les entreprises cibles (i.e. les entreprises acquises) à partir de leurs descriptions fournies par Thomson Reuters Eikon. L’approche de Salvi et al. (2018) est adoptée en utilisant un lexique de termes spécifiques aux technologies propres (par exemple, "photovoltaic", "solar", "water treatment", "biofuel", ...; nous identifions ainsi les entreprises dont les acquisitions sont en lien avec des initiatives technologiques durables.

2/ Construction de l’échantillon. Une procédure de correspondance est mise en œuvre, inspirée et dérivée de l’approche utilisée par Derrien et al. (2023). Ainsi, chacune des 33 F&A vertes identifiées est appariée à son homologue non-vert le plus proche sur base de quatre critères : le secteur d’activité, l’année d’annonce, un écart minimum de 30 jours par rapport à la F&A verte associée (pour éviter toute interdépendance des effets), et une similarité dans la valorisation. Cette procédure permet la construction d’un échantillon de contrôle similaire en termes de caractéristiques.

3/ Création de la variable dépendante des modèles. Pour mesurer l’impact des F&A sur les rivaux, la méthodologie d’étude d’évènements (MacKinlay, 1997), largement employée dans la littérature, est utilisée et appliquée sur les marchés financiers. Cette méthode permet de calculer les rendements anormaux cumulatifs (CAR), soit la différence entre les rendements effectifs des rivaux et les rendements attendus en l’absence de la fusion. La Figure 1 présente les différentes fenêtres utilisées pour la calibration des modèles (fenêtre d’estimation) et l’analyse des résultats (fenêtre d’observation). Une fenêtre [-1 jour : +1 jour], soit 3 jours, est sélectionnée pour l’observation des résultats ; elle permet de tenir compte de potentielles fuites pré-annonce d’informations sur la F&A, tout en restreignant l’ingérence potentielle d’évènements externes qui pourraient influencer les marchés. Cette fenêtre réduite permet ainsi une étude de la réaction prompte et directe des cours boursiers anormaux à la suite de l’annonce des fusions-acquisitions, sous l’hypothèse d’efficience des marchés (Wei et al., 2023).

Pour estimer les rendements attendus en l’absence de la F&A (rendements prévisionnels), le modèle de marché est utilisé et modélisé par l’indice S&P 500. Ce modèle prévoit les rendements attendus en fonction de l'évolution du marché global. Les rendements cumulatifs anormaux (CAR) mesurent ensuite la différence entre les rendements réels des entreprises rivales et ces rendements attendus sur la période entourant l'événement [-1 : +1], afin de voir l'impact spécifique de la F&A.

02 BFWD 2024 9 Danthine Fig 1

4/ Outils d’analyse. Plusieurs approches sont utilisées, notamment des méthodes paramétriques et non-paramétriques, sur des rendements cumulatifs anormaux (CAR) groupés ou individualisés. Pour un souci de brièveté, seuls les modèles de régressions en coupe transversale sont présentés (voir version complète du mémoire).

Dans cette analyse, la variable dépendante est la réaction des rivaux, mesurée par les rendements anormaux (CAR) observés autour de la date d’annonce des F&A. Les principales variables explicatives sont (i) le caractère vert de la F&A et (ii) le sens de réaction anormale de l'acquéreur à l’annonce de la F&A, mesurée par les rendements cumulatifs anormaux [-1 : + Diverses variables de contrôle financières, comptables et relatives aux caractéristiques de la F&A sont intégrées.1]. Cette approche permet d'examiner comment ces facteurs influencent les réactions des rivaux. Aussi, nous étudions un effet de modération en analysant l’effet d’interaction entre ces deux variables.

Résultats et discussions

Les résultats de cette étude s’articulent autour de deux volets : (1) l’analyse d’un échantillon de 1264 réactions de rivaux sectoriels à l’annonce de fusions-acquisitions, et (2) l’analyse d’un échantillon réduit de 684 réactions (37 F&A) permettant une meilleure spécification des modèles concernant le caractère ‘vert’ des rivaux et acquéreurs, mais obligeant une interprétation des résultats avec précaution en raison de la taille réduite de l’échantillon, limitant la robustesse et la généralisation des conclusions.

1/ Attente sur la création d’un désavantage compétitif et signal de verdissement.

L’analyse de l’échantillon principal révèle un message clair des marchés. D’une part, les acquéreurs réagissent non-significativement à l’annonce d’une F&A verte (coefficient de 0,014 avec un niveau de significativité de 37,22%). Cette non-significativité de la relation prend source dans la littérature ; notamment, Gomes et al. (2018) qui ont montré une prime d’achat supérieure pour des cibles actives dans le RSE, et donc un coût supérieur supporté par l’acquéreur. D’autre part, les rivaux des entreprises acquéreuses d’une cible active dans les technologies propres réagissent de manière négative, en moyenne, toute autre variable tenue constante (coefficient  de –0,017 avec un niveau de significativité de 0,66%).

Ces premiers résultats indiquent que, dès l’annonce d’une F&A verte, les marchés financiers perçoivent un désavantage pour les rivaux, lié à la nouvelle capacité (technologique) verte acquise par l’acquéreur, ce qui renforce sa position compétitive. Une acquisition dans les technologies propres apporte souvent à l’acquéreur un capital – tangible et/ou intangible – technologique précieux et difficilement réplicable, sans parler des avantages réputationnels associés aux pratiques durables. Les investisseurs semblent anticiper que cette acquisition positionne l'acquéreur en tête dans la course aux innovations vertes, d'où une baisse immédiate du potentiel concurrentiel des rivaux.

Cette étude met cependant en avant un effet d’interaction significativement positif qui modère la réaction directe négative des F&A vertes pour les concurrents. Plus précisément, il est observé que, dans les secteurs où l’intégration des technologies vertes dans l’activité est perçue favorablement par les marchés (i.e. les acquéreurs réagissent positivement à la F&A), les rendements anormaux des rivaux s’améliorent substantiellement, et attestent d’un effet de signal. Cet effet de signal indique que l’acquisition verte peut être interprétée comme une opportunité de verdissement pour le secteur tout entier, et non pas seulement pour l’acquéreur.

L’effet d’interaction entre deux variables clefs (F&Averte * CARacquéreur) présente un coefficient  de 0,010 avec un niveau de significativité de 2,70%. La Figure 2 offre une perspective graphique sur cet effet. Les marchés financiers anticipent ainsi que l’acquéreur, en adoptant ces technologies, ouvre la voie à une adoption plus large à l’échelle du secteur. Ce signal profite potentiellement aux rivaux capables de saisir cette opportunité. Toutefois, cette atténuation de la réaction négative des rivaux ne se manifeste que lorsque les attentes du marché concernant la synergie entre les activités de l'acquéreur et les technologies propres sont positives.

02 BFWD 2024 9 Danthine Fig 2

En conséquence, les résultats démontrent une double dynamique : d’une part, les F&A vertes créent un avantage (désavantage) direct pour l’acquéreur (rivaux) en améliorant ses capacités durables et sa compétitivité ; d’autre part, elles émettent un signal de transformation écologique qui peut atténuer l'impact négatif sur les rivaux, principalement dans les fusions-acquisitions où une opportunité de verdissement du marché est perçue positivement.

2/ Impact marqué chez les rivaux verts : la précaution des conclusions reste de mise.

En améliorant les modèles de régression par l’ajout de deux nouvelles variables muettes qui précisent le caractère vert des acquéreurs et des rivaux, les conclusions précédentes peuvent être développées. Ces résultats sont à prendre avec prudence étant donné un échantillon limité dont la taille est trop faible pour refléter adéquatement la population étudiée.

Tout d’abord, les modèles précisés démontrent que les rivaux verts endurent plus que péniblement les fusions-acquisitions vertes, par rapport à leurs homologues non-verts. Cette observation vient complémentariser les conclusions précédentes en renforçant l’hypothèse qui justifiait la création d’un désavantage compétitif pour les rivaux sectoriels de l’acquéreur. Ainsi, l'avantage pour les acquéreurs s'accompagne d'une intensification de la concurrence pour les rivaux verts, entrainant des attentes directes à la baisse sur les marchés boursiers.

Aussi, l’hypothèse qui supposait le signal sur les marchés d’un potentiel de transformation durable du secteur peut être précisée. En effet, les résultats des modèles montrent que, lorsque des acquéreurs verts investissent dans des entreprises non-vertes, cela entraîne une pénalisation tant pour l’acquéreur que pour l’ensemble du secteur, signalant une faiblesse dans la capacité de ce dernier à initier une transition écologique. Cette situation peut être expliquée par la création d’un effet réputationnel négatif qui impacte particulièrement les rivaux déjà engagés dans des pratiques durables, comme en témoignent les coefficients significativement négatifs observés. Nos résultats montrent également qu’une F&A verte accompagnée d’une réaction positive de l’acquéreur signale des opportunités pour les rivaux verts, reflétant des attentes optimistes du marché concernant le potentiel de verdissement du secteur et les activités des entreprises engagées dans des activités associées aux technologies propres.

Enfin, l'importance de la définition des fusions-acquisitions vertes est cruciale pour l'interprétation des résultats. En effet, les conclusions de cette étude ne se maintiennent pas avec une définition alternative basée sur des indicateurs objectifs comme les émissions de CO2 (interprétation prudente, 35 F&A étudiées). Cela met en lumière la nécessité de considérer le capital intangible et tangible des technologies vertes, qui joue un rôle clé dans la robustesse des conclusions. Comme l'indiquent Demers et al. (2021) – dont les conclusions vont en ce sens –, ce ne sont pas seulement les scores ESG qui protègent les entreprises en période de crise (COVID), mais les actifs intangibles qui soutiennent ces scores qui permettent une certaine résilience boursière.

Conclusion

Cette étude contribue ainsi à la littérature en fournissant de nouvelles perspectives sur les F&A vertes et leur impact sur les rivaux sectoriels des entreprises acquéreuses, et ce sur le marché américain. Cette analyse a mis en lumière l’impact stratégique des fusions-acquisitions vertes sur les dynamiques concurrentielles. Les résultats suggèrent que, si les F&A renforcent les attentes boursières sur la position des acquéreurs grâce à l’intégration de technologies durables dans leur activité, elles créent également un désavantage compétitif pour les rivaux sectoriels. Cet effet négatif est toutefois modéré par un signal positif de verdissement, perçu comme une opportunité pour l’ensemble du secteur, lorsque le marché perçoit des synergies possibles entre technologies propres et activités de l’acquéreur.

Les résultats de cette étude offrent des implications pratiques significatives pour les entreprises et les investisseurs. En effet, les F&A vertes créent non seulement un désavantage compétitif pour les rivaux, mais elles envoient également un signal fort aux marchés financiers et aux secteurs quant à l'importance croissante des technologies propres. Ce signal incite les entreprises du secteur à intégrer des stratégies durables afin de rester compétitives. De plus, l'effet de verdissement observé démontre que les F&A vertes peuvent transformer l'ensemble d'un secteur, créant ainsi des opportunités de croissance à long terme pour les acteurs qui s'adaptent rapidement aux enjeux environnementaux. Pour les investisseurs, ces résultats mettent en lumière l'importance de l'anticipation des tendances environnementales dans leurs décisions d'investissement. Les F&A vertes ne sont donc pas seulement un outil de croissance pour les entreprises acquéreuses, mais un moteur de changement pour l'ensemble du secteur.

Authors

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Antoine Danthine

PhD Student in Business Engineering