Financial stability Residential real estate Commercial real estate Climate change weerbaarheid deposito's kredieten

The Belgian economy has recently shown great resilience, and fears of a recession have given way to the greater likelihood of a soft landing. The outlook for financial stability is therefore much better than it was in the second half of 2022. The Belgian financial sector has also been very resilient. The latest macroprudential decisions have contributed to the orderly slowdown in the credit and residential property cycles, while continuing to encourage the maintenance of sound lending policies, and aim to increase the resilience of the Belgian financial sector to future shocks. The financial sector's exposure to the commercial property market is a point of attention and the National Bank of Belgium (NBB) has made a number of recommendations to the sector on this subject. The NBB also recommends the rapid establishment of a stable statutory framework that unambiguously determines how the costs of damage associated with natural disasters should be allocated.

Cet article reprend les principaux messages donnés par le vice-gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB), Monsieur Steven Vanackere, lors d’une conférence organisée à Bruxelles le 22 mai 2024 à l’occasion de la publication du Financial Stability Report 2024

Introduction : résilience de l’économie et du secteur financier

La Banque nationale de Belgique (BNB) a publié le 16 mai 2024 son 23e Financial Stability Report. Par cette publication annuelle, la BNB répond, entre autres, à la demande du législateur qui veut que l’autorité macroprudentielle belge rende compte chaque année de l’accomplissement de son mandat de gardienne de la stabilité du système financier en Belgique.

Au cours des dernières années, l’économie belge a fait preuve d’une très forte résilience, et les craintes d’une récession, dans un contexte de hausse marquée des taux d’intérêt, ont fait place à une plus grande probabilité de voir se concrétiser un scénario d’atterrissage en douceur (soft landing) dans lequel l’inflation renoue avec le niveau poursuivi par la politique monétaire sans incidence majeure sur, par exemple, les faillites d’entreprises ou le taux de chômage. Les perspectives sur le front de la stabilité financière sont donc bien meilleures qu’au troisième trimestre de 2022, lorsque l’inflation élevée et les prix records de l’énergie auraient pu mener à la création d’un contexte macrofinancier très défavorable.

Le secteur financier belge s’est lui aussi montré très résilient. Il présente notamment de considérables réserves de capital et de liquidités. Il est donc à même d’absorber des chocs potentiellement importants. Le niveau de solvabilité des banques et des entreprises d’assurance est nettement supérieur aux exigences minimales. Cette position de solvabilité propice a été soutenue par un bon niveau de rentabilité en 2023 sans que ces profits puissent être qualifiés d’exceptionnels. Pour les banques, ils étaient proches de la moyenne observée en Europe.

Marché immobilier résidentiel et dépôts des ménages

La hausse des taux (hypothécaires) observée dès la mi-2022 a entraîné un retournement du cycle de crédit et du cycle immobilier. Dès les premiers mois de 2023, la croissance annuelle des crédits aux ménages belges a commencé à s’inscrire en baisse. Le montant des nouveaux crédits hypothécaires avait atteint 33 milliards d’euros en 2023, un niveau inférieur d’environ 25 % à celui enregistré, en moyenne, au cours des cinq années précédentes. Le maintien d’une croissance positive du crédit hypothécaire a toutefois contribué à éviter un repli excessif de la demande, qui aurait pu causer une correction désordonnée du marché immobilier résidentiel belge. L’ajustement s’est avéré ordonné et les prix de l’immobilier résidentiel affichaient encore – en termes nominaux – une croissance en base annuelle de 2,7 % au cours des trois premiers trimestres de 2023. Cette correction ordonnée a été rendue possible entre autres par l’allongement modéré des maturités des nouveaux prêts qui, en combinaison avec l’indexation des salaires, a soutenu l’octroi de crédits, notamment aux jeunes.

La BNB a accueilli favorablement cet allongement modéré des maturités. Par le passé, lorsque les taux hypothécaires étaient bas, elle avait encouragé les prêteurs à ne pas augmenter ces maturités et à ne le faire que lorsque les taux d’intérêt remonteraient, ce qui est observé depuis la mi-2022. La BNB a par ailleurs maintenu ses attentes prudentielles concernant les nouveaux crédits hypothécaires, instaurées en 2020 afin notamment d’améliorer la qualité de crédit moyenne des nouveaux prêts hypothécaires, en particulier en réduisant la part des emprunts présentant une quotité (ratio loan-to-value) élevée, et à faire ainsi en sorte que les risques observés dans le stock de crédits restent sous contrôle. La BNB estime en effet que les limites relatives à la quotité ne constituent pas un frein à l’octroi de crédits hypothécaires aux emprunteurs solvables, la marge de manœuvre laissée aux prêteurs pour octroyer des prêts avec des quotités plus élevées n’étant pas totalement utilisée. L’allongement des maturités et la flexibilité suffisante des attentes prudentielles de la BNB ont contribué au maintien de la part des jeunes dans la production récente de crédits hypothécaires. Au vu notamment du bon suivi des attentes prudentielles, la BNB a estimé en août 2023 que le taux du coussin sectoriel pour le risque systémique relatif aux portefeuilles de prêts hypothécaires belges pouvait être ramené à un niveau moins élevé. Le taux du coussin sectoriel pour le risque systémique relatif aux prêts hypothécaires belges est passé, depuis le 1er avril 2024, à 6 % des actifs pondérés par les risques visés au lieu des 9 % précédemment appliqués. Concrètement, le montant total de ce coussin est revenu d’environ 2 milliards d’euros à quelque 1,3 milliard d’euros. Comme elle l’avait déjà signalé par le passé, la BNB se tient prête à libérer ce coussin de fonds propres macroprudentiel, au cas, par exemple, où l’on observerait une aggravation substantielle des difficultés de paiement pour les emprunteurs hypothécaires.

Le Financial Stability Report illustre également la relation parfois compliquée entre les banques et leur clientèle de particuliers. D’un côté, les banques protègent leurs clients contre les risques liés à une hausse des taux (comme ce fut le cas à partir de la mi-2022) en leur offrant des taux d’intérêt fixes sur leurs crédits hypothécaires. Pour les nouveaux emprunteurs, les taux d’intérêt sur les nouveaux crédits n’ont, en 2023, pas augmenté autant qu’on n’aurait pu s’y attendre au vu d’évolutions passées, ce qui reflétait le haut niveau de compétition sur le marché du crédit hypothécaire. Le revers de la médaille de la protection des emprunteurs en cas d’élévation des taux (notamment par la fixité des taux d’intérêt hypothécaires) consiste en une adaptation graduelle de la rémunération de l’épargne, notamment des dépôts d’épargne. Si une telle adaptation graduelle se justifie pleinement pour des considérations de gestion du risque de taux d’intérêt, force est de constater que les banques disposaient en 2023 d’une marge suffisante pour rémunérer plus généreusement les dépôts d’épargne. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les déposants ont déplacé une part significative de leur épargne vers des dépôts à terme (qui ont grimpé de 5 milliards d’euros en juin 2022 à près de 50 milliards d’euros à la fin de 2023) et vers le bon d’État à un an émis en septembre 2023.

Les évolutions observées à l’actif et au passif des banques belges ont eu une incidence sur leur principale source de revenus, à savoir leurs revenus d’intérêts. La marge d’intérêt des banques belges a sensiblement augmenté en 2023 sans toutefois atteindre des niveaux exceptionnels, en comparaison d’autres pays européens. S’il est attendu que les revenus nets d’intérêts s’orientent dorénavant plutôt à la baisse, la BNB estime que le secteur financier maintiendra une rentabilité suffisante qui lui permette de continuer à augmenter graduellement la rémunération de l’épargne et à soutenir l’économie (par l’intermédiaire de l’octroi de crédits et des mesures de rééchelonnement de dettes quand cela est indiqué), tout en étant armé pour faire face à de potentiels vents contraires (headwinds).

Marché immobilier commercial et crédits aux entreprises

Les entreprises belges ont dans l’ensemble fait preuve de résilience au cours des dernières années. Les expositions du secteur financier au marché de l’immobilier commercial constituent toutefois un point d’attention pour les autorités (macro)prudentielles en Belgique et ailleurs. Même si elles sont moins importantes que les expositions au segment résidentiel, les expositions à l’immobilier commercial sont significatives. Pour les banques, elles atteignaient, sur une base consolidée, entre 73 et 101 milliards d’euros à la fin de 2023 (selon la définition utilisée), soit entre 24 et 34 % des crédits aux sociétés non financières octroyés par les banques belges. Pour les entreprises d’assurance, les expositions se montaient à quelque 25 milliards d’euros, soit 10 % de leur actif total. Malgré la baisse significative des transactions observées en 2023, les fondamentaux du marché de l’immobilier commercial belge sont restés favorables, ne remettant dès lors pas en cause les stratégies d’investissement d’acteurs de long terme tels que les sociétés immobilières réglementées et les entreprises d’assurance. Cela étant dit, le ralentissement de l’activité dans les segments résidentiel et commercial du marché immobilier pourrait à l’avenir peser sur la santé financière de certaines entreprises, même si les taux de défaut sur crédits bancaires ne montraient pas de signes de détérioration en 2023, et ce quel que soit le secteur d’activité considéré. Il importe que les banques surveillent de près le risque de crédit de leurs prêts liés à l’immobilier commercial et qu’elles constituent en temps utile des provisions pour risque de crédit dès que les emprunteurs montrent des vulnérabilités. Pour les emprunteurs en proie à des difficultés financières temporaires, les banques devraient définir les stratégies de crédit adéquates, y compris – le cas échéant – un rééchelonnement de dette, en tenant compte des spécificités de chaque emprunteur. Par ailleurs, au vu des faibles volumes de nouvelles transactions observées récemment, le secteur financier (notamment les entreprises d’assurance) doit évaluer de manière conservatrice les immeubles commerciaux détenus ou reçus comme garantie.

De manière générale, la croissance annuelle de l’octroi de crédits aux entreprises (y compris celles actives dans l’immobilier) s’est bien maintenue en 2023 et au début de 2024, affichant des taux nettement supérieurs à ceux observés en moyenne dans la zone euro.

Même si la qualité de leurs portefeuilles de crédits est restée très bonne, il ne peut être exclu que les banques soient à l’avenir exposées à des pertes plus élevées qu’attendu, notamment dans les portefeuilles de crédits aux entreprises, non couverts par le coussin de fonds propres existant dédié aux crédits hypothécaires. La BNB a par conséquent annoncé la réactivation du coussin de fonds propres contracyclique à la fin du mois d’août 2023 afin d’augmenter la résilience du secteur financier, prenant également en compte le fait que les provisions pour pertes de crédit des banques étaient retombées à des niveaux comparables à ceux d’avant la pandémie. La décision de la BNB a mené à la constitution d’un coussin supplémentaire de 1,1 milliard d’euros environ depuis le 1er avril 2024, correspondant à un taux de coussin contracyclique de 0,5 % (applicable aux actifs pondérés par les risques visés). Le montant de ce coussin sera porté à quelque 2,3 milliards d’euros le 1er octobre 2024, correspondant à un taux de 1 %. Comme c’est le cas pour le coussin dédié aux risques sur le marché immobilier résidentiel, la BNB peut, si elle le juge nécessaire, libérer le coussin contracyclique afin d’apporter au secteur financier une marge de manœuvre additionnelle pour soutenir l’économie belge.

Risques liés au changement climatique

La BNB accorde depuis quelques années une grande attention à l’efficacité énergétique des expositions du secteur financier belge au marché immobilier. Se basant sur des considérations de stabilité financière, elle a publié à la fin de 2020 une circulaire macroprudentielle détaillant ses attentes et ses demandes de données en ce qui concerne la prise en compte de l’efficacité énergétique des expositions immobilières dans la gestion des risques liés au changement climatique par le secteur financier. Dans le cadre du suivi de ces attentes, la BNB a pu constater que le secteur financier avait enregistré des progrès notables en la matière. Il importe qu’il poursuive ces efforts à l’avenir.

La BNB continue par ailleurs, dans le cadre de son mandat macroprudentiel, de recommander l’élaboration rapide d’un cadre juridique clair en Belgique pour la répartition des coûts des dommages liés aux futures catastrophes naturelles. Les entreprises d’assurance ont besoin de la couverture des réassureurs pour absorber les pertes financières dues aux catastrophes naturelles. Si la situation actuelle se prolonge, les réassureurs risquent de réduire leurs activités en Belgique. Cela signifierait que les entreprises d’assurance pourraient ne plus proposer de couvrir ce risque, et que les ménages belges n’auraient de ce fait plus la possibilité de s’assurer contre les incendies et les catastrophes naturelles, ou seulement moyennant le paiement d’une prime beaucoup plus élevée.

Le Financial Stability Report 2024 comprend également quatre articles thématiques consacrés aux marchés immobiliers résidentiel et commercial, au secteur FinTech en Belgique et au recours aux instruments dérivés par le secteur financier.

Auteurs

1 vanackere

Steven Vanackere

Vice-Governor of the National Bank of Belgium